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Inde : réforme de l'acquisition des terres pour projets industriels

Publié le par road-movie

Enfin une bonne nouvelle dans l'enfer indien !

Une proposition de loi au Parlement indien prévoit d'augmenter les prix des terrains acquis dans le cadre de projets industriels ou d'infrastructures et de mieux protéger leurs habitants. Le texte quasiment adopté fait rugir les acteurs économiques indiens, qui y voient une menace pour leurs nouveaux projets.

« Nos coûts d’investissement vont considérablement augmenter. Le projet de loi prévoit que les prix d’achat de terrains seront multipliés par quatre en zone rurale et par deux en zone urbaine ». Kris Gopalakrishnan, président de la Confédération de l’industrie indienne et vice-président du géant informatique Infosys, s’inquiète de la tournure que pourrait prendre l’économie indienne avec la prochaine entrée en vigueur de la loi sur l’acquisition des terres, discutée en ce moment au Parlement. D’autant que la législation s’appliquera aussi aux zones économiques spéciales, ces enclaves économiques détaxées qui ont rapporté en 2011-2012 65 millions de dollars au pays, représentant 23% de ses exportations.

Rebaptisé proposition de loi pour « le droit à la juste compensation et à la transparence dans l’acquisition des terres, à la réinsertion et à la relocalisation », le texte a été approuvé le 29 août à la chambre basse à une majorité écrasante de 216 voix contre 19. Même scénario le 4 septembre à la chambre haute, où 131 élus sur 141 ont voté pour. Avant d’être définitivement promulguée, la loi retournera à la Chambre basse, qui doit juste approuver quatre nouveaux amendements.

Un consensus à trouver auprès des populations locales

Outre la revalorisation des prix d’achat, la loi prévoit une toute nouvelle procédure d’acquisition. Désormais, pour toute vente de terres de plus de 50 hectares en zone urbaine et 100 hectares en zone rurale, une consultation publique sera organisée. Les projets devront recueillir l’assentiment de 80% des propriétaires terriens dans le cas d’initiatives privées, et de 70% pour des partenariats public-privé. Les personnes expropriées ou déplacées devront aussi bénéficier d’une relocalisation et d’une aide à la réinsertion, supportées par les entreprises.

Ces dispositions permettront-elles d’éviter les conflits, parfois violents, qui ont embrasé à répétition les campagnes indiennes ces dernières années ? En 2010, Tata a été obligé de renoncer à l’installation de son usine de production de sa voiture à bas coût, la Tata Nano, au Bengale occidental, pour finalement la déplacer dans un autre Etat, au Gujarat. Chez Arcelor Mittal, on a annulé cette année un énorme projet sidérurgique dans l’Orissa, à l’est de l’Inde, pour les mêmes raisons.

Des études d’impact social et environnemental à réaliser

Dernière principale obligation, les sociétés souhaitant acquérir des terres devront se plier à la rédaction d’une étude d’impact social et environnemental de leur projet, présentée à un panel d’experts pour validation. Autant d’étapes qui représentent des délais supplémentaires pour les industriels. « Les audiences publiques, l’étude d’impact social et environnemental… Cela fait beaucoup d’incertitudes. Pourrons-nous les absorber ? », s’interroge Kris Gopalakrishnan.

Mais la priorité est ailleurs pour Jairam Ramesh. Selon le ministre du Développement Rural, interrogé par le quotidien Hindustan Times , il s’agit d’abord de « donner des droits aux paysans, aux dalits [intouchables] et aux populations tribales ». Il faut dire que la version précédente de la loi, datant de la période de colonisation britannique (1894), ne prévoyait qu’un maigre dédommagement, sans consultation préalable, ni relocalisation, ni réinsertion… ouvrant grand la porte aux expropriations forcées. Reste que le timing est aussi à replacer dans le contexte électoral du pays : à moins d’un an des élections générales de 2014, la coalition au pouvoir sait qu’elle a besoin des votes des populations pauvres et rurales.

Un manque de garanties

Pourtant pour Rajagopal, leader du mouvement Ekta Parishad, qui milite depuis plus de vingt ans pour une réforme de l’acquisition des terres, les garanties de la nouvelle loi ne sont pas suffisantes : « Réunir ces 70 ou 80% de consensus ne sera pas une tâche difficile pour les grandes sociétés. Beaucoup d’entreprises indiennes utilisent leur mafia, leurs hommes de main, pour faire pression sur les habitants. Ce n’est pas très compliqué quand on parle à des gens illettrés, des gens pleins de craintes… » Lui milite pour l’interdiction pure et simple des ventes de terres agricoles.

C’est que l’activiste craint d’autres dérives : « j’ai vu des sociétés revendre des parcelles acquises de force auprès de paysans sur le marché noir ». Comme toujours en Inde, se pose le problème de l’application effective de la législation. « Nous avons beaucoup de bonnes lois, mais très peu de contrôle », déplore encore Rajagopal. Car pour le moment aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect des clauses du texte.

http://www.novethic.fr

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