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Greenwashing chez Unilever

Publié le par road-movie

INDE : LE « SOURCING RESPONSABLE » DES TOMATES D'UNILEVER

Depuis un an, la filiale indienne du groupe agroalimentaire anglo-néerlandais a mis en place une opération de « sourcing responsable » de tomates dans la région de Bombay. Diminution des importations, augmentation de la production, formation des agriculteurs... La firme se félicite de résultats positifs. Mais les environnementalistes s'interrogent sur le bien-fondé de l'opération.

En mai 2012, Hindustan Unilever, la filiale indienne du géant européen de l'agroalimentaire, décide d'utiliser des tomates cultivées en Inde pour son ketchup, le Kissan Ketchup, plutôt que de les importer, comme c'était le cas auparavant. L'initiative fait partie de la stratégie mondiale du groupe lancée en 2010, « le Plan Unilever pour un mode de vie durable ». Ce grand programme vise notamment à ce que 100 % des matières premières agricoles utilisées par l'entreprise proviennent de « source durable » en 2020. Un an et demi après, Hindustan Unilever s'enorgueillit d'un bilan positif : les pratiques agricoles se sont améliorées - généralisation de l'irrigation goutte à goutte, usage raisonné des pesticides et des engrais, et, la production a augmenté et 60% de leur approvisionnement en tomates provient d'Inde, de la périphérie de Nasik, à 200 kilomètres de Bombay.

« Nouveau capitalisme » ou « agriculture industrielle » ?

La presse indienne s'est largement fait l'écho de la mesure, notamment le magazine Forbes India, qui décerne en novembre à Hindustan Unilever le prix du « capitaliste responsable » 2013. Profitant d'une visite en Inde fin octobre, Paul Polman, le PDG d'Unilever, se lance d'ailleurs dans une tribune pour un nouveau capitalisme : « Nous devons offrir plus que ce que nous prenons à la société. Nous ne pouvons pas nous permettre plus de réchauffement climatique. Nous ne pouvons pas laisser des gens avoir faim. Et nous ne pouvons pas autoriser des gens à travailler pour des tarifs épouvantablement bas ». Mais quand Novethic cherche à en savoir plus, le service de presse d'Hindustan Unilever reste évasif, renvoyant invariablement àl'étude de cas publiée sur le site internet de la firme, sans qu'aucune interview ne soit accordée.

Pour Devinder Sharma, ingénieur agronome, ancien journaliste scientifique et maintenant analyste renommé en matière de politique agro-alimentaire, l'initiative n'a de responsable que le nom. « C'est de l'agriculture sous contrat, le premier pas vers de l'agriculture industrielle, et qui plus est c'est de l'agriculture intensive », argumente-t-il. Hindustan Unilever a remplacé les variétés de tomates déjà cultivées sur place, qui ne convenaient pas à la production de ketchup, au profit de variétés hybrides qui permettent de multiplier par six ou sept les quantités produites. « Le problème c'est que les variétés hybrides nécessitent plus de pesticides. Et on ne peut pas parler de niveaux responsables de pesticides. Les pesticides sont nocifs, point », objecte Devinder Sharma.

Un danger d'inflation ?

Katy Rustom, co-fondatrice du CERE une ONG travaillant sur des questions de développement durable, et elle-même agricultrice - elle dirige une exploitation de chikoos, des fruits exotiques très consommés en Inde, voit également un danger d'inflation si l'entreprise étend cette pratique, pour le moment circonscrite à 580 fermiers. « Comme Hindustan Unilever a le monopole sur ces champs, on pourrait observer un manque de tomates sur le marché général, entraînant une augmentation des prix », avance-t-elle.Un risque qui n'est pas que théorique sachant qu'avec la dévaluation de la roupie et une mousson particulièrement longue, l'inflation sur les prix des fruits et légumes affiche des taux record depuis un an. Katy Rustom préconise quant à elle un autre modèle : « Pour être vraiment responsable et ne pas épuiser les terres, l'initiative devrait être entièrement tournée vers l'agriculture biologique. Et il faudrait plutôt travailler avec des petits agriculteurs isolés, afin de ne pas risquer d'aspirer la production déjà existante ».

Un dernier point fait grincer des dents Devinder Sharma : afin de mettre en place ce programme, Hindustan Unilever a travaillé en partenariat public-privé avec l'Etat du Maharashtra. Leur accord prévoit que les pouvoirs publics subventionnent 50% du prix d'achat d'engrais et de pesticides par les agriculteurs. Pour l'ingénieur agronome, cela reviendrait donc à couvrir une partie des coûts d'Hindustan Unilever. Le groupe voit en tout cas de fortes perspectives de développement en Inde, notamment dans les zones rurales, où vit 70% de la population du pays, et il y met les moyens. Unilever a ainsi investi dans sa filiale indienne 2,2 milliards d'euros ces derniers mois.

Source : www.novethic.fr

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