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La perte de biodiversité responsable de la malnutrition

Publié le par Magali Reinert

Pour répondre aux problèmes de malnutrition dans le monde, la FAO se tourne vers la biodiversité agricole. En liant l'amélioration de l'alimentation à la production de variétés locales, l'organisation des Nations unies entérine l'incapacité de l'agriculture industrielle à nourrir le monde.

La malnutrition est directement liée à la perte de la biodiversité agricole. Des études montrent en effet la grande richesse et variabilité nutritionnelles des anciennes variétés locales. Ces plantes ont largement disparu en quelques décennies au profit de quelques variétés commerciales qui dominent les grandes cultures de l’agriculture mondiale (maïs, blé, riz, pommes de terre, manioc, soja). À titre d'exemple, le nombre de variétés de riz cultivées en Thaïlande est passé de 16 000 à 37. Pire, la moitié des surfaces cultivées concerne seulement deux variétés. Ce sombre constat invite à « concentrer les principaux efforts sur le retour aux cultures locales et aux systèmes alimentaires traditionnels. » Ce n’est ni la Via Campesina, ni des organisations indigénistes que le disent, mais la FAO.

Des variétés locales jusqu’à 100 fois plus riches en vitamine que la banane blanche

Pour l'organisation des Nations unies, la malnutrition de deux milliards de personnes dans le monde témoigne ainsi de l'inadaptation des régimes alimentaires contemporains. Lors de l’inauguration de la nouvelle chaire Unesco sur l’Alimentation durable à Montpellier, le 27 janvier 2012, Ruth Charrondière, responsable nutrition de la FAO, a insisté sur la place centrale qu'occupe aujourd'hui la biodiversité dans l’approche de la nutrition. Ces conclusions reposent sur des études engagées au milieu des années 2000 sur l'évolution des régimes alimentaires de douze communautés indigènes à travers le monde, des Masais du Kenya aux Inuits du Canada, en passant par Pohnpei, une île de la Micronésie.

La dégradation de la situation alimentaire de cette population d'Océanie a été documentée par une ONG locale. La Island Food Community of Pohnpei s’est créée en 2004 face à l’importance des problèmes de santé publique sur l’île. En effet, dans les années 1980, des chiffres alarmants circulent sur le développement du diabète, de carences, de cancers, de maladies cardiaques. En 1994, la moitié des jeunes enfants de l’île présente des carences en vitamines A, qui sont responsables de problèmes d’infections et de troubles oculaires. La moitié des enfants de Pohnpei est également touchée par une anémie. Quarante ans plus tôt, les études médicales faites par la Navy américaine ne font pourtant état d'aucun problème nutritionel particulier. Selon la Island Food Community, la responsabilité incombe au changement de régime alimentaire lié à l’importation de produits alimentaires raffinés. Riz blanc, farine, sucre sont venus marginaliser les aliments locaux, entraînant progressivement la disparition des variétés locales. L'île comptait en effet une cinquantaine de variétés de bananes, et autant de variétés de taros. Des analyses faites aujourd’hui sur ces plantes montrent des résultats stupéfiants sur leur richesse nutritionnelle. Des bananes à chaire orange contiennent par exemple jusqu’à 100 fois plus de beta-carotène (source de vitamine A) que la variété de banane blanche dominante. Comble de calamité, des programmes alimentaires ont prôné pendant plusieurs années la consommation de  légumes verts pour résoudre les problèmes de malnutrition. Ce projet  s'est soldé par un échec, les feuilles ne faisant pas partie des habitudes alimentaires des gens.

Biodiversité vs OGM

Aujourd'hui, la vapeur est difficile à inverser, explique la Island Food Community, à cause de la disparition des semences locales et des denrées toujours importées à bas prix. La FAO conclut, quant à elle, que « les variétés locales n’étaient pas promues qu’il n’y avait pas d’information nutritionnelle disponible ». Si la leçon tirée n'est pas à la hauteur, la FAO fait néanmoins un énorme travail d'information sur la valeur nutritionnelle des aliments et des régimes alimentaires. 10 000 aliments sont déjà répertoriés dans une base de données sur la composition des denrées consommées dans le monde. En lançant la définition de l’alimentation durable en 2010, la FAO défend aussi le destin lié de l'alimentation et de la protection de l’environnement.

Pour les pommes de terre, le riz, les bananes, etc., les données mises à disposition par la FAO témoignent de la très grande variabilité en minéraux et en vitamines d’une variété à l’autre. Si la lecture des tableaux sur la composition nutritionnelle est indigeste, elle montre néanmoins que chaque variété a ses qualités propres et que c'est bien leur complémentarité qui est équilibrée. N’en déplaise aux sélectionneurs de semences, la variété miracle n’existe pas. La Commission internationale du riz ne s'y est pas trompée. En 2006, elle recommandait la nécessité d’explorer d’abord la biodiversité existante du riz avant de s’engager vers les variétés transgéniques. L'enjeu est de taille alors qu’un des fers de lance de la promotion des OGM est la production de vitamine A pour répondre à la malnutrition dans le monde.

Magali Reinert

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